Depuis avril 2016, le collectif Les Internettes réunit, valorise et encourage les créatrices de vidéos sur le web, notamment sur YouTube. Il accompagne les créatrices via un cycle de masterclass, met à leur disposition un espace d’échanges en ligne (Discord), intervient dans l’espace public autour des questions de création féminine et fait découvrir au grand public une vidéo d’une “Youtubeuse” tous les jours sur sa page Facebook.
En soirée, dans les conventions de vidéastes, dans notre job, on partageait toutes le même constat : les créatrices vidéo sont moins visibles que les hommes. Et une petite goutte d’eau a fait déborder le vase. On a assisté à l’événement de trop, celui qui rassemblait des “YouTubeurs” mais où l’absence de “YouTubeuses” a créé un déclic.
Alors on s’est lancées. Un soir, autour de chips, on s’est dit : ok, on fait quoi ?
Ça a commencé par une page Facebook. Une fois par jour, on y partage des vidéos de femmes qui pèsent dans le YouTube game. Et pour le moment, ça marche pas trop mal : plus de 21 000 personnes nous ont rejoint !Petit à petit, on a vu plus grand. On a créé une association pour réunir les créatrices vidéo sur YouTube et pour permettre au grand public de les soutenir.
On a lancé un cycle de masterclass, des rencontres régulières entre les adhérent•es, un Discord pour échanger sur la création féminine et on est intervenues dans plusieurs débats pour faire émerger la problématique dans l'espace public (dans le programme #EllesFontYoutube, aux Week-ends au Campus d'Animafac, au live de DataGueule sur la démocratie, à la Nuit originale, etc.).
Difficile de citer 5 chaînes de femmes sur YouTube sans prendre quelques minutes de réflexion. Dans le Top10 des vidéastes les plus connus, on ne peut pas dire que les femmes rayonnent par leur présence. Nous, Les Internettes, nous pensons que la création est un cercle vertueux. Et que plus nous verrons de femmes vidéastes, plus cela encouragera d’autres personnes à se lancer.
YouTube n’est pas une plateforme éditorialisée. Les contenus recommandés aux utilisateurs sont basés sur de savants algorithmes qui favorisent les formats courts, les tops et les visionnages précédents des internautes. Quand on navigue de vidéo en vidéo sur YouTube, on est donc rapidement pris dans une clôture informationnelle ou une bulle d’information. Il suffit donc de quelques vidéos de Cyprien pour ne recevoir que des recommandations de chaines animées par des hommes et croire que les femmes vidéastes sont un épiphénomène.
Le succès des “YouTubeuses beauté” est incontestable. Et tant mieux pour elles ! Ces jeunes femmes travaillent dur, réalisent de belles vidéos et sont très calées dans leur domaine. On ne peut leur souhaiter que du succès même si bien entendu, nous faisons tout pour permettre aux femmes de se projeter sur des thématiques plus diverses sur lesquelles leur parole est tout aussi légitime. Les vidéastes beauté sont des exemples marquants de la standardisation éditoriale de YouTube. Régulièrement mises en avant dans les conventions et analysées dans les médias, elles représentent en réalité la partie visible de l’iceberg. Car sous la mer, des vidéastes féminines de talent bousculent aussi la création sur YouTube dans une multitude de domaines comme les sciences, le gaming, les sujets de société, l’art... mais elles font moins de bruit.
On a tous cette petite voix dans notre tête qui nous persuade que ce que nous faisons ne sera jamais assez bien. Peu encouragées à se lancer dans la création vidéo sur le web, les femmes ne font pas d’exception à la règle et sont en proie à de nombreux doutes.
Faire une vidéo sur le web, c’est exposer son image et son mode de vie aux yeux de milliers d’anonymes. C’est le jeu ! Par contre, recevoir au quotidien des insultes sur son physique, sa condition de femme, être harcelée en ligne et lire des menaces de mort, là, ce n’est plus un jeu. C’est pourtant le quotidien de nombreuses femmes qui font des vidéos sur YouTube, tout comme les hommes sont enjoints à justifier de leur virilité entre deux « PD ». Forcément, quand on hésite à se lancer, ça calme. Mais ce problème ne doit pas empêcher les jeunes femmes de prendre la parole sur YouTube. Elles sont légitimes sur tous les sujets et c’est désormais à la législation de s’adapter pour punir les harceleurs et non décourager les harcelé•es.